LES COLLECTIONS SCIENTIFIQUE

Les expéditions scientifiques enquêtant sur les vertus des plantes et les nouvelles découvertes pour la pharmacopée ont rempli au fil du temps les herbariums du monde entier, menées par des hommes. Contrairement aux herbariums de Rousseau, ceux conservés dans des collections nationales ou privées, comme la Collection Delessert ou le Jardin Botanique national, tel que celui de Humboldt, Bonpland et Kunth (H.B.K.), la famille Jussieu ou l'herbier de Triana, sont des planches encyclopédiques dédiées à l'avancement de la recherche dans les différents domaines de la botanique et de la médecine. Ces deux approches de la nature nous intéressent particulièrement dans le contexte de notre exposition. En effet, l'Impératrice Joséphine (1763-1814), assistée d'Aimé Bonpland (1773-1858), a fait de son domaine à Malmaison le plus beau jardin d'acclimatation privé d'Europe. La nature lui permet de se libérer de l'ordre établi et de trouver un refuge, comme si elle était loin du monde. La Reine Victoria I d'Angleterre (1819-1901) et l'Impératrice Eugénie de Montijo (1826-1910) ont rivalisé amicalement pour collecter les plus beaux spécimens. Les plantes ont toujours été une source d'inspiration et un trésor pour les collectionneurs.

Fig. 1 Cattleya trianae (de Popayan), un cadeau diplomatique du botaniste et consul de Colombie à Paris, José Jeronimo Triana, offert à l’impératrice Eugénie de Montijo lors de l’Exposition Universelle de 1867, où il a reçu la première médaille pour sa collection de plantes médicinales. © Jeanne Koch (dessin d’après nature), G. Severeyns (chromolithographie), « Cattleya Trianæ (collection Finet) », dans L’Orchidophile, vol. 11, Argenteuil, A. Godefroy-Lebeuf, 1891. Planche gravée en couleur. Muséum national d’Histoire naturelle, Pr 4956.

Fig. 2 : Présentation de l'exposition de M. José Triana, 1867 © Première page liminaire, dans le Catalogue de l'exposition de M. José Triana, Paris, Mme veuve Bouchard-Huzard, 1867. Muséum national d’Histoire naturelle, 218 377 (10).

La Bibliothèque de l'Institut de France & la Collection Delessert

Rousseau et Humboldt ne se sont jamais rencontrés, mais ce dernier a toujours été inspiré par la philosophie du premier. Deux de leurs manuscrits, les Lettres de Botanique de Rousseau et les Impressions de plantes, font partie des estampes et des livres botaniques de la collection « Delessert » conservée à la Bibliothèque de l'Institut National. Benjamin Delessert (1773-1847) était une personnalité aux multiples facettes, banquier et philanthrope, membre de l'Académie des Sciences de France. Cette collection, établie en 1773 sur la base d'un herbier appartenant à Jean-Jacques Rousseau, s'est progressivement enrichie durant la première moitié du XIXe siècle jusqu'à devenir un centre scientifique rivalisant avec le Muséum national d’Histoire naturelle (Musée-Institut national) pour l'étude de la botanique. En 1841, la bibliothèque comptait environ 8 500 livres et les herbariums contenaient 250 000 échantillons de 80 000 espèces. La collection fondée par Benjamin Delessert a été poursuivie par son frère François jusqu'en 1869. À cette époque, la bibliothèque a été léguée à l'Académie des sciences. Elle se compose de 8 830 volumes imprimés et de 51 manuscrits. Les herbariums des Delessert font désormais partie de la collection du Conservatoire botanique de Genève, mais la Bibliothèque de l'Institut a préservé certains herbariums dans des livres imprimés, y compris l'herbier de Laponie de Carl von Linné (1732) et les Impressions de Plantes de Humboldt, Bonpland et Kunth, un manuscrit rare créé par Humboldt et Bonpland comme herbier de secours de leurs spécimens collectés originaux en cas de fortes pluies, d'humidité, ou d'attaques de pirates dans l'Atlantique ou par des insectes dans la jungle.

Fig. 3 : Hydrocotyle humboldtii, Ms 988, fol. 95, Fonds Delessert © RMN-Grand Palais (Institut de France) / Adrien Didierjean, 2019.

Fig. 4 : Eryngium Bonplandii, Ms 988, fol. 78, Fonds Delessert © RMN-Grand Palais (Institut de France) / Adrien Didierjean, 2019.

Le Jardin Botanique National de France et ses collections historiques
Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN)

Des lois écologiques strictes régissent la collecte manuelle des plantes dans le monde entier, connues sous le nom de Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) depuis 1973. Cependant, jusqu'à la fin du XXe siècle, la manière dont les scientifiques et les botanistes pouvaient étudier la nature passait par la collecte d'échantillons sous forme d'herbariums et/ou l'acclimatation d'échantillons dans des serres. De cette manière, des plantes du monde entier pouvaient s'adapter, et leurs vertus étaient et sont toujours étudiées dans des climats différents de ceux de leur origine. Dans de nombreux autres pays, la nécessité de préserver des spécimens tropicaux vivants a conduit à la construction de serres et de jardins botaniques pour la recherche scientifique, tant pour les botanistes que pour les médecins. Beaucoup de ces centres de recherche ont été fondés en Europe et en Amérique. Tel était le cas du musée Ashmolean à Oxford (1683), du Jardin des Plantes (1635), du Réal Jardin Botanico de Madrid (1755), des Jardins de Kew (1759), du Jardin des Plantes/MNHN en France, du Réal Jardin Botanico en Espagne et du Jardin botanique et de l'École botanique de l'Université de Coimbra au Portugal (1772), pour n'en nommer que quelques-uns.

Fig. 5 : Gravure de la serre tropicale où s’est tenue l’Exposition universelle à Paris (1867) © Bibliothèque nationale de France BNF/Gallica CP/F/12/11883.

Fig. 6 : Photo de la serre du jardin botanique de Coimbra, ©.

La géographie et la découverte du monde naturel étaient les intérêts qui dirigeaient les scientifiques et les naturalistes dans leur désir d'acquérir des connaissances et une compréhension de notre planète. La plupart de ces missions ont nourri l'imagination des explorateurs, des naturalistes, des philosophes, des écrivains et des artistes du monde entier. Tel est le cas de l'expédition d'Alexandre von Humboldt (1769-1859) et d'Aimé Bonpland (1773-1858) en Amérique (1799-1804), et plus tard de La Pérouse (1741-1788), dont le journal a été utilisé en 1850 par Jules Verne (1828-1905) après sa découverte. L'expédition de La Pérouse a été mandatée par le roi Louis XVI dans le but de compléter l'exploration bien connue du capitaine James Cook (1728-1779). L'expédition de circumnavigation de Cook a influencé de nombreuses générations plus jeunes, tout comme celle de Magellan-ElCano au XVIe siècle, pour ne citer que les plus inspirantes. Alexandre von Humboldt avait nourri ses objectifs d'exploration depuis son plus jeune âge. Il est devenu l'un des scientifiques les plus influents de son temps grâce à sa capacité à diffuser les connaissances acquises. Dans le cas de Jules Verne, il a été principalement inspiré par de réelles expéditions pour écrire ses romans de science-fiction. L'une de ses principales influences était l'expédition de La Pérouse, dont les deux navires, la Boussole et l’Astrolabe, étaient dirigés par le capitaine français avec une équipe de scientifiques tels que le mathématicien Gaspard Monge (1748-1827) et d'autres hommes de science. En préparation de ce voyage, André Thouin (1747-1824), l'assistant de Buffon (1707-1788), a préparé un manuel sur la manière de collecter et de transporter des plantes tropicales afin de les étudier et d'en tirer des leçons.

Figs. 7, 8, 9 et 10 : Impressions reproduites dans André Thouin (dessin), Ambroise Tardieu (gravure), [sans titre], dans André Thouin, Cours de culture et de naturalisation des végétaux…, Paris, Chez Mme Huzard, 1827. Planche gravée © Muséum national d’Histoire naturelle, 8173.
Fig. 11 : Photo de l'artefact pour collecter les spécimens, André Thouin, Serre de voyage [ou] Serre portative [ou] Caisse à châssis, 1781. Bois, cuivre, verre. 42 x 55 x 28 cm. © Muséum national d’Histoire naturelle, OA.321.

Fig. 12 : Photo tirée de Henriques, Coimbra p.6 ©.

COLLECTIONS HISTORIQUE

Le Jardin Royal des Plantes Médicinales (Le Jardin de plantes médicinales du roi), créé en 1635, a évolué avec la période des Lumières. En 1793, après la proclamation de la République française, la Convention nationale a créé le Muséum national d'Histoire naturelle, avec trois missions : recherche scientifique, théorique et appliquée ; conservation des collections ; et enseignement des sciences naturelles. Des roches et minéraux, des animaux et des plantes naturalisés, fossilisés et vivants, ainsi que des objets préhistoriques, anthropologiques et ethnologiques composent les collections naturalistes du Muséum national d'Histoire naturelle. Au total, 68 millions d'échantillons sont conservés et assemblés dans les collections. Avec des collections documentaires, d'archives et artistiques, elles représentent presque 400 ans de connaissances en histoire naturelle.

LES COLLECTIONS D'HERBARIUM NATIONAL

Le Muséum National d'Histoire Naturelle est une véritable base de données de la diversité végétale. Avec 8 millions de spécimens, ces collections botaniques font partie des plus remarquables au monde, tant par leur volume que par leur valeur scientifique et historique. Les collections dites « historiques » sont conservées séparément. Un herbier historique conserve sa classification d'origine, reflétant l'état des connaissances à un moment donné. Il correspond au système de classification publié par son « créateur ». En 1793, l'herbier de Tournefort est devenu le premier herbier « historique ». Les principales collections dites « historiques » sont l'œuvre de botanistes renommés : la famille de Jussieu (collection ancienne de près de 150 ans), Michel Adanson, Jean-Baptiste de Monet de Lamarck, André Michaux (Amérique du Nord), René Louiche Desfontaines (Afrique du Nord), Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland (Amérique du Sud), Albrecht von Haller, Camille Montagne (cryptogames), Gustave Thuret et Édouard Bornet (cryptogames, y compris la collection de Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent)... L'herbier le plus ancien du Muséum est celui de Jehan Girault (1558).

LES COLLECTIONS HUMBOLDT ET BONPLAND ET LE MUSÉUM

La particularité de la collection d'Humboldt et Bonpland réside dans le fait qu'ils ont récolté leur herbier en temps voulu. Leur collection de plantes, contenue dans quarante-cinq caisses, compte environ six mille espèces différentes, dont un quart pourrait être nouveau, ce qui doit être reconnu. Nous ajouterions qu'aucun voyageur n'a jamais rapporté un herbier avec un nombre aussi élevé d'espèces, et que, comme les lieux visités par Humboldt et Bonpland sont en partie inconnus des naturalistes et situés près de l'Équateur, leurs productions, qui diffèrent fortement des nôtres, doivent offrir les éléments de nouveaux genres et de nouvelles familles. (...) Par décret impérial du 13 mars 1805, leur collection de plantes a été acceptée par le gouvernement. À la demande expresse d'Humboldt, Aimé Bonpland a obtenu « une pension annuelle de trois mille francs, à prélever sur les fonds de pension. » (Citation tirée de Humboldt, Savant-citoyen du monde, Jean Paul Duviols et Charles Minguer, Ed. Gallimard, Collection Jeunesse, 1994, p. 65).

Fig. 13 : Page de dédicace, dans Alexander von Humboldt, Aimé Goujaud dit Bonpland, Essai sur la géographie des plantes, accompagné d'un tableau physique des régions équinoxiales, fondé sur des mesures exécutées, depuis le dixième degré de latitude boréale jusqu'au dixième degré de latitude australe, pendant les années 1799, 1800, 1801, 1802 et 1803, Paris : Fr. Schoell, Tübinge : J.G. Cotta, 1807. Muséum national d’Histoire naturelle, 24 265.

LES COLLECTIONS DES BIBLIOTHÈQUES

Les collections de la bibliothèque du Muséum documentent chaque étape du cycle de recherche naturaliste, des premières notes et observations sur le terrain à la diffusion des résultats scientifiques. Englobant tous les domaines des sciences naturelles, elles rassemblent des documents de toutes sortes : manuscrits et notes de recherche, archives institutionnelles et scientifiques, dessins, estampes, photographies, cartes, livres, revues scientifiques et bases de données, instruments scientifiques, œuvres d'art et objets.

À l'époque du Jardin du roi, un cabinet abritait déjà des livres et des manuscrits déposés par des scientifiques et des artistes, accessibles au personnel du Jardin ainsi qu'au public. Pendant la Révolution, le décret fondateur du Muséum (1793) établissait une bibliothèque publique qui ajoutait des doubles de la Bibliothèque royale et des livres d'histoire naturelle saisis durant la Révolution aux collections existantes.

Initialement conçues comme un soutien aux activités scientifiques du Muséum, ces collections sont également des objets de recherche, en particulier pour l'histoire des sciences. La richesse et la diversité de ces deux millions de documents font des bibliothèques du Muséum l'une des plus grandes bibliothèques de sciences naturelles au monde.

Les quatorze volumes de botanique issus de l'expédition de Bonpland et Humboldt dans les régions équinoxiales du Nouveau Monde reproduisent la plupart des 5800 espèces collectées en Amérique, dont 3600 étaient auparavant inconnues (leur expédition a ajouté 5 à 6 % au trésor botanique mondial). Ces nouvelles espèces ont été décrites par Kunth dans Nova Genera et Species Plantarum.
La consultation de ces œuvres et des carnets de terrain de Bonpland nous a permis de dresser la liste des nouvelles espèces d'orchidées collectées en Colombie en 1801, en préparation de la mission de 2017, suivant les traces d'Humboldt et Bonpland, qui peut être étudiée dans la carte interactive suivante. Pour retracer le voyage d'Alexandre de Humboldt et d'Aimé Bonpland en Colombie et découvrir les orchidées collectées lors de leur expédition de 1801, ainsi que celles observées lors de l'expédition de 2017, visitez la carte interactive :

ORCHIDEESDECOLOMBIE.MNHN.FR

COLLECTE D'ÉCHANTILLONS

SUR LES PAS D'HUMBOLDT ET BONPLAND
Les
 Orchidées de Colombie

L'EXPÉDITION D'HUMBOLDT ET BONPLAND EN HISPANOMÉRIQUE (1799-1804)

Entre 1799 et 1804, les éminents naturalistes Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland ont dirigé une grande expédition scientifique en Amérique du Sud. Leur séjour dans le Vice-royaume de Nouvelle-Grenade (l'actuelle Colombie) en 1801 a donné lieu à de nombreuses observations et notes, ainsi qu'à d'importantes collections de plantes, notamment d'orchidées. Ce matériel historique (herbiers et carnets de terrain) est principalement conservé au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN).


LES ÉTAPES DE LEUR VOYAGE

1799 : Espagne (La Corogne et Îles Canaries), Venezuela
1800 : Cuba
1801 : Vice-royaume de Nouvelle-Grenade (Colombie, Panama, Venezuela et Équateur)
1802 : Vice-royaume du Pérou
1803 : Vice-royaume de Nouvelle-Espagne (Mexique, Amérique centrale, Californie, Arizona, Nouveau-Mexique, Texas et Philippines)
1804 : États-Unis d'Amérique, puis retour en France (Bordeaux)

Au cours de leur voyage, Humboldt et Bonpland ont gravi plusieurs volcans en Équateur : Pichincha (4 776 m), Cotopaxi (5 911 m), Antisana (5 752 m), Illiniza (5 126 m) et surtout Chimborazo (6 267 m), alors considéré comme la plus haute montagne du monde. Au-delà de la conquête des sommets, que Humboldt comparait à celle de Gay Lussac dans un ballon, il s'est intéressé à l'étude de la relation entre les êtres vivants et la nature.

Fig. 14 : Carte montrant l'itinéraire de Humboldt et Bonpland ©Juan-Carlos Concha, Apeman Studio/Association Enlaces Artísticos.

Fig. 15 : Johann Wolfgang von Goethe (cartographe), « Esquisse des principales hauteurs des deux continents dressée par M. de Goethe, conseiller intime du Duc de Saxe-Weimar, d'après l'ouvrage de M. de Humboldt, publié en 1807 sous le titre Essai sur la géographie des plantes... », Paris, 1813. Gravure, mise en couleur à la main. Muséum national d'Histoire naturelle, CA 3 FA.

ORCHIDÉES DE COLOMBIE ET LEURS ÉCOSYSTÈMES

 PHOTOGRAPHIES PAR MARIO ALBERTO PEDRAZA

« En Europe, nous comptons entre 70 et 80 espèces ; en revanche, l'Amérique du Sud, où les montagnes ont été si peu explorées, a déjà offert aux botanistes 244 espèces, dont 61 nouvelles découvertes par Bonpland et moi-même. Le nombre d'orchidées sur les deux continents ne dépasse pas 700. »
Conclusions de 1815 après leur expédition sud-américaine - Nova genera et species plantarum, Tome I, p. 568. Humboldt, Bonpland et Kunth.

Fig. 16 : Réf. Portrait d'Alexander von Humboldt par Antoine Chazal, © MS2671_5_FOL3 MNHN (Paris), Direction des bibliothèques et de la documentation. Alexandre de Humboldt, 5e livraison, fol. 3.

Fig. 17 : Pellegrini, « Aimé Bonpland », dans Ernest-Théodore Hamy, Aimé Bonpland : médecin et naturaliste, explorateur de l'Amérique du Sud : sa vie, son œuvre, sa correspondance …, Paris, E. Guilmoto, [1906]. Planche imprimée © Muséum national d’Histoire naturelle, 176 652.

Entre 1799 et 1804, les éminents naturalistes Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland ont exploré la forêt amazonienne, à travers la chaîne andine, la Nouvelle-Espagne (actuel Mexique) et les Caraïbes (Cuba). Lors de leur séjour au Venezuela, Humboldt a mesuré le fleuve Orénoque. Leur séjour dans le vice-royaume de Nouvelle-Grenade (l'actuelle Colombie) en 1801 a donné lieu à de nombreuses observations et notes, ainsi qu'à d'importantes collections de plantes, en particulier d'orchidées. Ce matériel historique, herbiers et carnets de terrain, est conservé au Muséum national d'histoire naturelle (MNHN).

Fig. 18 : Carte de l’itinéraire des cours des rivières Orénoque, Atabapo, Casiquiare et Rio Negro,
montrant l'Orénoque et sa connexion avec l'Amazone, GE D-14651. BNF-Gallica

Aimé Bonpland et Alexandre de Humboldt ont quitté l'Espagne avec un passeport signé par le roi Charles IV d'Espagne (r. 1788-1808). Ils sont arrivés à la Capitainerie générale du Venezuela en 1799, où ils ont étudié la nature : plantes, topographie, ciel... Ils ont remonté le fleuve Orénoque, à la frontière entre l'actuel Venezuela et la Colombie, en 1799.

Fig. 19 : Epidendrum
Registre de notes botaniques prises par Aimé Goujaud, dit Bonpland (1773-1858) et Alexander von Humboldt (1769-1859) pendant leur voyage en Amérique du Sud, de 1799 à 1804. Cahier manuscrit, reliure parchemin. Muséum national d’Histoire naturelle, Ms Res 2534, f.224.

Fig. 20  Restrepia antinnefera
Herbier Historique (H.B.K.), Herbier national, MNHN-P-P00669648

Fig. 21 Restrepia antinnefera

Les orchidées appartiennent à la famille des Orchidacées. Elles poussent au niveau de la mer ou en altitude, des tropiques aux zones tempérées ou froides, sur la Cordillère des Andes, les Alpes, l'Himalaya... à travers toute l'Amérique, du Páramo à la forêt amazonienne en Amérique du Sud ; dans les dunes et les zones semi-désertiques d'Amérique du Nord ; en Asie, Océanie, Afrique, Europe et Australie. Il en existe un grand nombre : entre 20 000 et 35 000 espèces vivantes, dont 4 000 espèces sauvages dans plus de 200 genres en Colombie. Cette statistique fait de la Colombie l'un des pays les plus riches du monde en orchidées.

Les orchidées peuvent être épiphytes, rupicoles, lithophytes, terrestres, semi-terrestres et semi-aquatiques. Les épiphytes ne sont pas des parasites : elles vivent sur les troncs d'arbres sans les endommager. Elles utilisent leurs racines aériennes pour s'accrocher aux branches et, comme leurs feuilles, pour se nourrir en absorbant des éléments naturels de l'environnement. Les orchidées dépendent de certains champignons (mycorhizes) pour leur survie.

Fig. 22 : Parc national du Nevado del Tolima, Cocora, orchidées vivant sur des rochers (lithophytes) © Mario Alberto Pedraza, Association Enlaces Artísticos, 2017.

Les pollinisateurs, principalement les abeilles, les guêpes, les oiseaux et les papillons, jouent un rôle majeur dans les méthodes de reproduction variées et hétérogènes des orchidées. En effet, la pollinisation est souvent très spécifique et semble être le résultat d'un long processus évolutif et d'adaptations conjointes entre les orchidées et leurs pollinisateurs. Cette relation réciproque bien établie entre les orchidées et les animaux est considérée comme étant à l'origine de la grande diversité de cette famille : variété de formes de fleurs, de tailles, de couleurs, de fragrances et de nectars, souvent en imitation d'insectes ou d'éléments attractifs pour ces derniers. Une étude menée par l'Association d'Orchidologie de Bogotá confirme que certains insectes déposent les pollinies des orchidées d'une espèce dans la fleur de la même espèce où les pollinies sont collectées par les insectes.

Leur processus de reproduction a fasciné les botanistes et d'autres scientifiques tels que Linné, Darwin, Bonpland, Humboldt, Mutis et le Colombien José Jerónimo Triana. Les orchidées n'ont pas seulement été placées dans une catégorie à part des autres plantes, mais elles ont été exposées comme des fleurs rares lors de l'Exposition Universelle de 1867 et comme des bijoux en orchidées par Cartier en 1925.

Fig. 23 : Itinéraire de Humboldt et Bonpland dans la Colombie actuelle, 1801
© Stéphanie Bourgogne, Association Enlaces Artísticos, 2017.

Notre mission en 2017 a suivi un segment de leur itinéraire de Bogotá vers le sud de la Colombie à la recherche d'orchidées. Parmi les lieux visités figuraient Icononzo, Tolima, Salento et le Valle del Cauca.

PARAMOS ET LA RENCONTRE AVEC JOSÉ CELESTINO MUTIS À SANTA FE DE BOGOTÁ

Fig. 24 : Valdiviesa debeduti, près du Páramo de Chingaza, 4000 m d'altitude, Colombie
© Mario Alberto Pedraza, Association Enlaces Artísticos, 2017.

Leur séjour dans le Royaume de Nouvelle-Grenade (Colombie) en 1801 a été un véritable événement, car le directeur de l'Expédition botanique royale, le Dr José Celestino Mutis, leur a réservé un accueil somptueux.

En Colombie, lors de leur premier passage dans la vallée de l'Orénoque en 1799 et de leur traversée subséquente du nord au sud du pays en 1801, de Carthagène à l'Équateur, ils ont collecté plus de quarante orchidées, dont une vingtaine étaient considérées comme des genres à l'époque, devant être publiées selon le Code international de nomenclature botanique. Ce travail, en latin et compilé en 7 volumes illustrés, a été réalisé par Humboldt et Kunth.

En effet, c'est Carl-Sigismund Kunth (1788-1850) qui a rédigé les conclusions de toutes les découvertes scientifiques faites par Humboldt et Bonpland. La collection d'orchidées était suffisamment abondante pour nous permettre d'enregistrer plus de 20 nouvelles espèces parmi celles décrites dans les sept volumes consacrés à Nova Genera et Species Plantarum.

Fig. 25 : Note manuscrite de Humboldt sur le Páramo et sa flore, le plan de l’Espeletia décrit par Mutis qu’ils décidèrent de visiter. © Registre de notes botaniques prises par Aimé Goujaud, dit Bonpland (1773-1858) et Alexander von Humboldt (1769-1859) pendant leur voyage en Amérique du Sud, de 1799 à 1804. Cahier manuscrit, reliure parchemin, Muséum national d’Histoire naturelle, Ms Res 2534, fol. 40.

Fig. 26 : Frailejones © Mario Alberto Pedraza, Association Enlaces Artísticos, 2017.

ICONONZO, IBAGUÉ ET QUINDÍO

Arrivant de Santa Fé de Bogotá et traversant le pont naturel d'Icononzo, vers le plateau près d'Ibagué, dans la région aujourd'hui connue sous le nom de Buenos Aires, Humboldt décrit le paysage près de la rivière Combeima :

Fig. 27 : © Gravure de Riou dans Itinéraire du Voyage de M. Ed. André dans l'Amérique équinoxiale (1875-1876).

Fig. 28 : Photo de la rivière Combeima © Claudia Isabel Navas, Cultura Orquídea, 2006.

« Au milieu du deuxième pont à Icononzo, il y a un trou de plus de huit mètres carrés, à travers lequel on peut voir le fond de l'abîme : c'est ici que nous avons effectué des expériences sur les corps en chute. Le torrent semble couler à travers une caverne sombre : le bruit lugubre que nous entendons est dû à l'infinité d'oiseaux nocturnes qui habitent la crevasse. »

Fig. 29 : © Registre de notes botaniques prises par Aimé Goujaud, dit Bonpland (1773-1858) et Alexander von Humboldt (1769-1859) pendant leur voyage en Amérique du Sud, de 1799 à 1804. Cahier manuscrit, reliure parchemin, Muséum national d’Histoire naturelle, Ms Res 2534, fol. 90.

« Le cône tronqué du Tolima, couvert de neige éternelle et rappelant par sa forme le Cotopaxi et le Cayambe, s'élève au-dessus d'une masse de rochers granitiques. La petite rivière Combeima, qui mêle ses eaux à celles du Rio Cuello, serpente dans une vallée étroite, creusant son chemin à travers un bosquet de palmiers. À l'arrière-plan, on distingue une partie de la ville d'Ibague, la grande vallée du fleuve Magdalena, et la chaîne orientale des Andes. (...) Lorsque vous arrivez à Ibague et vous préparez pour votre voyage, vous faites couper plusieurs centaines de feuilles de vijao dans les montagnes voisines. Le vijao est une plante de la famille des bananiers, formant un nouveau genre proche de Thalia, et qu'il ne faut pas confondre avec Heliconia bihai. (...) La surface inférieure de ces feuilles est d'un blanc argenté et recouverte d'une substance farineuse, qui se détache en écailles. C'est ce vernis qui les rend résistantes à la pluie. En les ramassant, vous faites une incision dans la nervure (...) qui sert de crochet pour les suspendre lorsque vous souhaitez former le toit amovible ; puis vous les déployez et les enroulez soigneusement en un paquet cylindrique. Cinquante kilos de feuilles sont nécessaires pour couvrir une hutte pouvant abriter six à huit personnes. Lorsque vous atteignez un endroit au milieu de la forêt où le sol est sec, et où vous avez l'intention de passer la nuit, les cargueros coupent quelques branches d'arbres qu'ils assemblent (...) en carrés avec des lianes ou des fils d'agave disposés parallèlement, à trois ou quatre décimètres. Pendant ce temps, le paquet de feuilles de vijao a été déroulé. »
Vue des Cordillères et Monuments des Peuples Indigènes de l'Amérique

Fig. 30 : Humboldt. Dans Vues des Cordillères et Monuments des Peuples Indigènes de l’Amérique, p. 30.

« À une profondeur de sept mètres. (...) Traversant la montagne de Quindío, en octobre 1801, à pied et suivis de douze bœufs portant nos instruments et collections, nous avons beaucoup souffert des averses continues auxquelles nous étions exposés pendant les trois ou quatre derniers jours, alors que nous descendions le versant occidental de la Cordillère. Le sentier traverse une région marécageuse, couverte de bambous. Les épines armées des racines de ces gigantesques herbes avaient déchiré nos chaussures, de sorte que nous avons été contraints, comme tous les voyageurs qui ne souhaitent pas être portés sur le dos d’un homme, de marcher pieds nus. »
Vues des Cordillères et Monuments des Peuples Indigènes de l’Amérique de Humboldt, p. 15.

Fig. 31 et 32 : Gravure de Riou dans Itinéraire du Voyage de M. Ed. André dans l'Amérique équinoxiale (1875-1876). Droits libres.

« Au premier plan, nous voyons une troupe de cargueros (personnes portant d'autres personnes) entrant dans la montagne. On peut observer la façon particulière dont la chaise, faite de bambou, est attachée aux épaules et maintenue en équilibre par une sangle frontale similaire à celle portée par les chevaux et les bœufs. Le rouleau dans la main du troisième carguero est le toit, ou plutôt la maison mobile, que le voyageur utilise lorsqu'il traverse les forêts de Quindío. »
Humboldt dans Vues des Cordillères et Monuments des Peuples Indigènes de l’Amérique.

Fig. 33 : Gravure de Riou dans Itinéraire du Voyage de M. Ed. André dans l'Amérique équinoxiale (1875-1876).
Fig. 34 : Salento © Mario Alberto Pedraza, Association Enlaces Artísticos, 2017.

À la fin du Chemin Royal, les voyageurs arrivent dans l'un des plus beaux villages de Colombie, Salento.
« Ici et là, des sources limpides jaillissent d'un rocher calcaire contenant de nombreux fragments de corail pétrifié ; elles sont ombragées par le feuillage lustré de l’Anacardium caracoli, un arbre de taille colossale, auquel les indigènes attribuent la propriété d'attirer de très loin les vapeurs répandues dans l'atmosphère. » Humboldt.

Fig. 35 : Notre équipe est allée jusqu'au Valle del Cauca à la recherche de Cattleya quadricolor © Mario Alberto Pedraza, Enlaces Artísticos, 2017.
Fig. 36 : Équipe de la Mission Scientifique et Artistique en Colombie Orchids of Colombia, Following Humboldt & Bonpland’s footsteps devant l’arbre Caracoli © Mario Alberto Pedraza, Association Enlaces Artísticos, 2017.

Dans l'ensemble, nous avons photographié 80 espèces vivant à l'état sauvage lors de notre mission scientifique et artistique de 1500 km en 2017. Vous pourrez en voir certaines dans la zone de la Promenade dans les Arbres.

© Herbarium, Seen & Dreamed / Herbiers vus et rêvés, Cultura Orquídea, 2022-2024
Auteur : Claudia Isabel Navas, août 2024.